Mars, le printemps des Poètes, mot que je me culpabilise de prononcer, mes lecteurs risquant de déguerpir tels des lièvres à la lisière des bois…
L’Artense en ses frontières, ses vieux garçons, son bois de chauffage, ses granges, les ombres de nos pères, Paris tel qu’on se le représente : cela en six tableaux resserrés de douze pieds, en gros sabots, au final prosaïques comme du bon pain… Hymnes à l’Artense, odes à l’Artense, manières de chansons sur qui poser les airs de musique intime que vous portez au cœur !
Artense
Et où cela se trouve votre Artense, Artense ? / En plein dans l’hexagone mais loin d’Ile de France / Quelles rivières parcourent l’Artense, Artense ? / Des torrents vifs et clairs se moquant de Durance / Les montagnes montent haut en Artense, Artense ? / Point trop, discrète estive y joue à transhumance / Comment va la vie des gens en Artense, Artense ? / On fait aller, le gris marbré à la confiance…
Jours comme rimes y défilent drus et denses / J’aime à penser que là toute chose y fait sens / Qu’un fil métaphysique y tend une présence / Qu’un art plutôt rugueux en souligne l’intense !
Vieux garçons
Après la deuxième guerre, un grand flux d’exode / A vidé nos pays pour des cieux plus commodes / Cet ample glissement vers la lumière urbaine / A emporté les filles enchantées par l’aubaine.
Des aînés épinglés aux fermes familiales / Ne trouvèrent à l’âge de promise idéale / Ils se remémorent de vaines tentatives / Des aventures de bal plus qu’expéditives / Jeunesse s’est fanée et sorties espacées / Dimanche, ils ont gardé leurs habits rapiécés.
On devient un peu ours à trimer sans façon / Et de célibataire on passe à vieux garçon…
Ils se disent peinards, qu’elles sont casse-pieds / Popote et vaisselle sont bien vite expédiés / Bleu et charcuterie s’affichent aux menus / De gros rouge arrosés sans plus de retenue.
Ils voient des jeunots, leurs infirmières épouses / Dans des salons nickel, en douce ils les jalousent…
Bois de chauffage
On n’arrêtait jamais, ainsi était la loi / Aux intervalles les hommes faisaient du bois / Les femmes reprisaient, façon d’équivalent / Pas de place gardée pour les rois fainéants.
Près du hangar, toujours, étaient là pour la scie / Des branches émondées contre un tronc endurci / Des rondins à fendre s’offraient aux bras d’airain / Á la hache aiguisée, à la masse et aux coins.
Le choix de nos proies ne devait rien au hasard / Ces frênes cet hiver, le gros hêtre plus tard / Sitôt l’arbre abattu on en comptait les cernes / Revenaient les vécus de famille et d’Arverne.
Glissaient les va-et-vient des longs passe-partout / Des bûches noueuses jusqu’aux modiques bouts / Tout était consommé écologiquement / Avant la tronçonneuse au moteur énervant !
Les granges
Elles gémissent, nos granges / Toutes vides / Sous le grand vent qui hurle / Elles grelottent, nos granges / Dévêtues / Quand il gèle à pierre fendre / Elles transpirent, nos granges / Sans défense / Sous l’ardoise qui brûle / Elles languissent, nos granges / Inutiles / De trop devoir attendre…
Nos granges en sursis, elles se remémorent / Leurs fuselages nus de navires inversés / Charpentes soulevées au ciel, hauts mâts dressés / Par des bras d’entraide ardents unis dans l’effort.
Nos granges entêtées, encore elles contiennent / Sur leurs ponts vermoulus, des graines, des pollens / Poussières et débris d’insectes emmurés / Datant de mottes hissées jusqu’à faux-entraits.
Á rire ou pleurer, elles revivront, nos granges / De métamorphose viendra bain de jouvence / Regain de vie, foin d’abandon, corne d’abondance / Et balles rondes d’espoir lancées par des anges !
Nos pères
Bons papas en coutil de semaine courante / Qui disaient l’essence des choses signifiantes / Le sec du vent qui essuie rosée, gelée blanche / Le dessin des stries livrant le grain de la planche / Le temps suspendu entre l’éclair, le fracas / La nuance des verts de sapin, d’épicéa…
Bons papas noueux aux fortes mains agrestes / Qui nous dégrossissaient à la science du geste / Siphonner le fioul aux tuyaux communicants / Accompagner la serpe, tresser des nœuds coulants / Affûter la faux d’un fil de pierre que l’on frôle / Boucler la claie tendue d’une poussée d’épaule…
Bons papas bleu de chauffe n’ayant jamais compris / Dynastie des rois, baises-mains, flagornerie / Bons papas ne sachant du beau monde l’usage / Mais qui portaient le tout de vie drue, pleine et sage.
Paris vu d’ici
Vus d’ici, à Paris, ils ne font que courir / Sérieux tels des papes, pas l’ombre d’un sourire / Filant à toute pompe en de vaines chimères / Film en accéléré dedans la fourmilière.
Vu d’ici c’est certain, on ne pourrait y vivre / Fétus de paille emportés par le troupeau ivre / Sardines dans le métro, collées je te jure / Il faut voir ça au salon de l’agriculture...
Á Paris se loger coûte la peau des fesses / Ils fuient vers les banlieues trouver meilleure adresse / Dans l’anonymat dur de cages à lapins / Deux plombes à la clé pour gagner le turbin !
Vus d’ici ils arborent des pâlottes mines / Perdus corps et âme sous des lueurs chagrines / D’une atmosphère viciée, saturée d’ozone / Dans Métropolis où la foule s’époumone.
Ici les tracas sont légion, les gains modestes / Le crédit agricole n’oublie pas ses traites / Chère mutualité n’est jamais en reste / Et le jour s’éternise en attendant retraite…
Mais on prend le temps de boire au goulot l’air pur / De faire plaisamment pipi dans la nature / On n’a pas, grâce à Dieu, de patron sur le râble / Toujours on aura toit et nourriture à table !
L’Artense en ses frontières, ses vieux garçons, son bois de chauffage, ses granges, les ombres de nos pères, Paris tel qu’on se le représente : cela en six tableaux resserrés de douze pieds, en gros sabots, au final prosaïques comme du bon pain… Hymnes à l’Artense, odes à l’Artense, manières de chansons sur qui poser les airs de musique intime que vous portez au cœur !
Artense
Et où cela se trouve votre Artense, Artense ? / En plein dans l’hexagone mais loin d’Ile de France / Quelles rivières parcourent l’Artense, Artense ? / Des torrents vifs et clairs se moquant de Durance / Les montagnes montent haut en Artense, Artense ? / Point trop, discrète estive y joue à transhumance / Comment va la vie des gens en Artense, Artense ? / On fait aller, le gris marbré à la confiance…
Jours comme rimes y défilent drus et denses / J’aime à penser que là toute chose y fait sens / Qu’un fil métaphysique y tend une présence / Qu’un art plutôt rugueux en souligne l’intense !
Vieux garçons
Après la deuxième guerre, un grand flux d’exode / A vidé nos pays pour des cieux plus commodes / Cet ample glissement vers la lumière urbaine / A emporté les filles enchantées par l’aubaine.
Des aînés épinglés aux fermes familiales / Ne trouvèrent à l’âge de promise idéale / Ils se remémorent de vaines tentatives / Des aventures de bal plus qu’expéditives / Jeunesse s’est fanée et sorties espacées / Dimanche, ils ont gardé leurs habits rapiécés.
On devient un peu ours à trimer sans façon / Et de célibataire on passe à vieux garçon…
Ils se disent peinards, qu’elles sont casse-pieds / Popote et vaisselle sont bien vite expédiés / Bleu et charcuterie s’affichent aux menus / De gros rouge arrosés sans plus de retenue.
Ils voient des jeunots, leurs infirmières épouses / Dans des salons nickel, en douce ils les jalousent…
Bois de chauffage
On n’arrêtait jamais, ainsi était la loi / Aux intervalles les hommes faisaient du bois / Les femmes reprisaient, façon d’équivalent / Pas de place gardée pour les rois fainéants.
Près du hangar, toujours, étaient là pour la scie / Des branches émondées contre un tronc endurci / Des rondins à fendre s’offraient aux bras d’airain / Á la hache aiguisée, à la masse et aux coins.
Le choix de nos proies ne devait rien au hasard / Ces frênes cet hiver, le gros hêtre plus tard / Sitôt l’arbre abattu on en comptait les cernes / Revenaient les vécus de famille et d’Arverne.
Glissaient les va-et-vient des longs passe-partout / Des bûches noueuses jusqu’aux modiques bouts / Tout était consommé écologiquement / Avant la tronçonneuse au moteur énervant !
Les granges
Elles gémissent, nos granges / Toutes vides / Sous le grand vent qui hurle / Elles grelottent, nos granges / Dévêtues / Quand il gèle à pierre fendre / Elles transpirent, nos granges / Sans défense / Sous l’ardoise qui brûle / Elles languissent, nos granges / Inutiles / De trop devoir attendre…
Nos granges en sursis, elles se remémorent / Leurs fuselages nus de navires inversés / Charpentes soulevées au ciel, hauts mâts dressés / Par des bras d’entraide ardents unis dans l’effort.
Nos granges entêtées, encore elles contiennent / Sur leurs ponts vermoulus, des graines, des pollens / Poussières et débris d’insectes emmurés / Datant de mottes hissées jusqu’à faux-entraits.
Á rire ou pleurer, elles revivront, nos granges / De métamorphose viendra bain de jouvence / Regain de vie, foin d’abandon, corne d’abondance / Et balles rondes d’espoir lancées par des anges !
Nos pères
Bons papas en coutil de semaine courante / Qui disaient l’essence des choses signifiantes / Le sec du vent qui essuie rosée, gelée blanche / Le dessin des stries livrant le grain de la planche / Le temps suspendu entre l’éclair, le fracas / La nuance des verts de sapin, d’épicéa…
Bons papas noueux aux fortes mains agrestes / Qui nous dégrossissaient à la science du geste / Siphonner le fioul aux tuyaux communicants / Accompagner la serpe, tresser des nœuds coulants / Affûter la faux d’un fil de pierre que l’on frôle / Boucler la claie tendue d’une poussée d’épaule…
Bons papas bleu de chauffe n’ayant jamais compris / Dynastie des rois, baises-mains, flagornerie / Bons papas ne sachant du beau monde l’usage / Mais qui portaient le tout de vie drue, pleine et sage.
Paris vu d’ici
Vus d’ici, à Paris, ils ne font que courir / Sérieux tels des papes, pas l’ombre d’un sourire / Filant à toute pompe en de vaines chimères / Film en accéléré dedans la fourmilière.
Vu d’ici c’est certain, on ne pourrait y vivre / Fétus de paille emportés par le troupeau ivre / Sardines dans le métro, collées je te jure / Il faut voir ça au salon de l’agriculture...
Á Paris se loger coûte la peau des fesses / Ils fuient vers les banlieues trouver meilleure adresse / Dans l’anonymat dur de cages à lapins / Deux plombes à la clé pour gagner le turbin !
Vus d’ici ils arborent des pâlottes mines / Perdus corps et âme sous des lueurs chagrines / D’une atmosphère viciée, saturée d’ozone / Dans Métropolis où la foule s’époumone.
Ici les tracas sont légion, les gains modestes / Le crédit agricole n’oublie pas ses traites / Chère mutualité n’est jamais en reste / Et le jour s’éternise en attendant retraite…
Mais on prend le temps de boire au goulot l’air pur / De faire plaisamment pipi dans la nature / On n’a pas, grâce à Dieu, de patron sur le râble / Toujours on aura toit et nourriture à table !